Une belle découverte de la rentrée littéraire, un beau premier roman de l’Americain Nikolas Butler, que j’ai eu la chance de pouvoir interviewer pour vous.
Nickolas Butler est un jeune écrivain américain, qui publie chez Autrement son premier roman, en pleine rentrée littéraire, et il faut dire que c’était un pari, au-milieu des quelque 650 livres de l’automne. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître. « Retour à Little Wing » vient d’obtenir le prix Page America, dans le cadre du Festival America qui s’est tenu à Vincennes mi-septembre. C’est une très belle distinction et non des moindres, puisque le Festival réunit tous les deux ans de nombreux écrivains confirmés (cette année, étaient invités notamment Margaret Atwood, Richard Ford, Jim Fergus, Philipp Meyer ou encore Robert Goolrick).
Une interview du lauréat s’imposait donc.
Page : Nickolas, pouvez-vous nous raconter en quelques mots l’intrigue de « Retour à Little Wing » ?
L’histoire se passe dans la région où j’habite, en Pennsylvanie, une région essentiellement rurale, dans une petite ville où les gens se connaissent tous. Quatre adolescents y ont grandi, ils y ont lié une très forte amitié. Puis, la vie faisant, chacun est plus ou moins parti vivre son destin loin de leur ville natale. Lee a quitté les siens et a connu une gloire éphémère de rock star, Ronny est devenu le roi du rodéo, Hank est resté à la ferme familiale, avec Beth, la fille du groupe. Et voilà que cette petite bande va se retrouver, quelque deux décennies plus tard, dans cette même petite ville, à l’occasion du mariage de Beth et Hank. Evidemment, ces retrouvailles vont remuer le passé et seront également l’occasion de faire le point sur le présent…
Page : Au-dela de l’intrigue, quels thèmes avez-vous souhaité aborder ?
Plusieurs thèmes me tiennent vraiment à cœur. Il y a d’abord le thème de l’amitié, qui est pour moi une donnée très importante de la vie. L’amitié avec tout ce qu’elle peut comporter, tout ce à quoi elle peut donner lieu, les engagements mais aussi parfois les secrets, les non-dit, et le pardon, peut-être. J’ai aussi voulu parler de l’attachement que l’on peut avoir pour sa terre, pour l’endroit particulier de la planète où l’on est né et où l’on a ses racines. Il me semble que la terre natale est le socle de notre existence, presque une sorte de refuge.
Page : Dans ce roman, quelle est la part de fiction, et quelle est la part de réalité ?
Je pourrais vous faire une réponse très courte : l’histoire et les personnages sont totalement sortis de mon imagination. Mais évidemment ce n’est pas si simple. Il y a bien sûr une part de moi-même dans chacun des personnages, même si celui qui me ressemble le plus est Hank. Par exemple, Hank est fermier, et je suis moi-même issu d’une famille de fermiers. Lee est musicien, et quelque part la musique et l’écriture sont très liés au sens où ce sont des métiers de création – je sais combien il est difficile d’écrire et je pense que ces difficultés sont identiques dans le milieu de la musique.
Concernant le décor, la ville que je décris n’existe pas, mais le paysage, lui, est bien réel. Je voulais montrer à mes lecteurs l’endroit du monde où je vis, les paysages, j’en suis fier et j’aime cette contrée.
Page : Donc pour vous, le décor a autant d’importance que l’histoire, que les personnages ?
Oui, exactement. J’ai été très marqué par le livre de Jack London « A l’est d’Eden », justement parce qu’il y montre « son » Amérique. J’ai aussi beaucoup puisé l’inspiration dans les romans de Ken Kesey, dans la manière dont lui aussi parle de son pays.
Page : Que voudriez-vous que l’on retienne de l’Amérique telle que vous nous la présentez ?
Vous savez, lorsque votre livre est publié, vous n’avez plus aucun contrôle sur ce que vous avez écrit, et chacun y trouve quelque chose de peut-être différent. Mais j’aimerais beaucoup que mes lecteurs aient à-travers la lecture de mon roman une idée de l’Amérique autre que l’image qu’ils en ont à-travers des images de New-York ou Los Angeles. L’Amérique, ce n’est pas que cela, c’est aussi la nature.
Je voulais aussi montrer des gens simples, qui ne sont pas issus d’un milieu social huppé ou intellectuel. Des gens « normaux », en quelque sorte.
Page : oui, c’est probablement aussi ce qui a touché Olivier Adam lorsqu’il a lu votre livre!
Page : La réunion de ces personnages vingt ans plus tard fait éclater des secrets, au grand jour, des trahisons, aussi.
Effectivement. J’avais envie de raconter comment, lorsque la confiance est trahie, il est difficile de renouer ensuite. Il y a quelque chose de cassé, que peut-être seul l’amour ou l’amitié peut réparer, mais c’est difficile. Chacun doit faire un bout de chemin.
Page : Comment avez-vous eu l’idée d’écrire ce roman ?
Lorsque je suis parti à l’université faire mes études, ma famille et la Pennsylvanie me manquaient beaucoup. Alors j’ai décidé d’écrire, une manière pour moi de me rapprocher d’eux. C’est un livre qui est avant tout venu avec des émotions, bien avant que j’ai eu l’idée de la trame de l’histoire. J’ai commencé à écrire à l’automne 2010 et j’ai terminé à l’automne 2012. Et puis tout s’est enchaîné. Aujourd’hui, je crois que je ne pourrais pas faire un autre métier que celui d’écrivain.
Page : Votre livre a été acheté dans plusieurs pays, il va être adapté au cinéma, comment vivez-vous ce premier succès international ?
Rien n’a vraiment changé dans ma vie quotidienne. Mais j’ai la sensation que le monde s’est ouvert à moi. Je suis donc très heureux. Je suis aussi très honoré d’avoir reçu le prix Page America, pour moi, qui ne suis encore jamais venu en France, c’est magique !
Merci, Nikolas, et bravo encore pour ce beau succès.