“Prières pour celles qui furent volées” – Jennifer Clement, ed Flammarion

guerreroNous sommes dans l’Etat du Guerrero, au Mexique. Et dans l’Etat du Guerrero, lorsqu’un enfant naît, on dit toujours que c’est un garçon. Dans l’Etat du Guerrero n’habitent presque que des femmes, qui élèvent leurs “Garçons”.

Dans l’Etat du Guerrero, il ne fait pas bon vivre lorsque d’énormes 4×4 patrouillent dans les villages, à la recherche de jeunes filles pour leur réseau de prostitution. Là-bas, les jeunes filles sont volées comme des voitures…

Et c’est dans cet Etat du Guerrero que ce livre nous emmène.

Lorsque Ladydi est née, sa mère a annoncé à tout le monde que c’était un garçon. Lorsque Ladydi a grandi, sa mère lui a coupé les cheveux et lui a noirci les dents avec du charbon, pour l’enlaidir. Elle a creusé des trous autour de sa maison, des terriers pour y cacher Ladydi lorsqu’elle entend les 4×4 débouler sur la route, avec leurs gros phares.

Et c’est le récit de la vie de Ladydi, racontée par elle-même, que nous allons suivre.

Ladydi raconte son enfance, puis son adolescence, dans l’inconscience, l’innocence de l’enfance, puis dans la peur du danger. Elle nous raconte son amitié avec les filles de son village : il y a Ruth, que l’on appelle le “Bébé-poubelle”, parce qu’on l’a trouvé dans une poubelle alors qu’elle venait de naître. Elle est devenue une magnifique jeune fille, et évidemment le danger la guette. Il y a Maria, elle, elle a de la chance, elle est née avec un bec-de-lièvre, alors cela la sauvera peut-être. Et puis il y a Paula, qui a un frère, un vrai garçon, celui-là, mais c’est un voyou, un terrible voyou.

Il va se passer toutes sortes d’événements, au cours des 15 années pendant lesquelles Ladydi nous raconte son histoire : des enlèvements, des évasions, des retours. Il y a au tout au long du livre une tension, notamment lorsque les hommes du cartel de la drogue déboulent avec leurs terribles intentions, ou encore lorsqu’une des jeunes filles disparaît, ou lorsque le frère de Paula…..

Ce livre est passionnant. C’est un roman qui se dévore car on s’attache très vite aux personnages, il est raconté avec une langue très simple et il est très émouvant. Nous vivons avec les mères, avec les adolescentes, nous prenons conscience de la violence qui peut régner dans certaines parties du monde, notamment la violence faite aux femmes. Et pour autant, ce n’est pas du tout un roman triste ni déprimant, bien au contraire. C’est un roman-témoignage qui donne envie de se battre tous les jours.

Lisez ce livre, faites-le lire à vos adolescents, fille ou garçon, et, lorsqu’ils sont insatisfaits parce que vous avez refusé de leur acheter le dernier T-shirt à la mode, rappelez-leur que, dans l’Etat du Guerrero, lorsqu’un enfant naît, on dit toujours que c’est un garçon.

(Retrouvez la présentation du livre par Nathalie Iris sur Telematin, chronique du 21 octobre 2014).